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Peut-on déposer une couleur à titre de marque ?

Vous avez décidé que le rose bonbon serait VOTRE couleur. LE moyen pour vous distinguer.

Est-il possible de déposer une couleur en tant que marque ?

A titre préliminaire, nous rappelons l’article L711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle :

—> Une marque est un signe qui permet de distinguer les produits et/ou services d’une personne physique ou morale.

La marque est le meilleur moyen pour votre clientèle et les consommateurs de vous identifier en un clin d’oeil.

De ce fait, la question de déposer une couleur en tant que marque est légitime.

La couleur est un excellent moyen de distinguer une entreprise.

Le orange est par exemple spontanément associé à Orange ou EasyJet.

1- Le contenu de la loi

a) Le Code de la Propriété Intellectuelle

Que nous dit le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) à ce sujet ?

Le Code de la propriété intellectuelle (article L 711-1 CPI) n’exclut pas qu’une couleur puisse constituer une marque valable. L’article donne des exemples des types de signes qui peuvent être déposés auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle :

– Les signes verbaux ;

– Les signes sonores ;

– Les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs.

→ La combinaison de couleurs est un « arrangement systématique associant les couleurs concernées d’une manière prédéterminée et uniforme« .

Ainsi, si la description de la demande d’enregistrement ne comporte que deux couleurs pouvant être utilisées sous toutes les formes possibles, la demande sera rejetée.

⇒ Il est nécessaire de décrire comment la combinaison de couleurs sera utilisée sur les produits/services visés par le dépôt.

Une combinaison de couleurs de la marque Red Bull GmbH a été annulée par l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO) en 2015, confirmé par le Tribunal européen :

blue and grey

b) Règlement européen

L’article 4 du Règlement sur la marque européenne confirme dans sa version de 2017 : « Peuvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes, notamment les mots, y compris les noms de personnes, ou les dessins, les lettres, les chiffres, les couleurs, la forme d’un produit ou du conditionnement d’un produit, ou les sons, à condition que ces signes soient propres :

    a) à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises ;

    b) à être représentés dans le registre des marques de l’Union européenne (ci-après dénommé « registre ») d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer précisément et clairement l’objet bénéficiant de la protection conférée à leurs titulaires. »

c) Le traité de Singapour de 2006

La révision du Traité de Singapour en 2006 prévoit également qu’il est possible de déposer des signes non visibles et donc des marques de couleur.

Le but de ce Traité est de simplifier et harmoniser les procédures administratives de dépôt de marques nationales ou régionales (l’OBPI et l’OAPI l’ont ratifié).

Ainsi, il serait possible de déposer des couleurs.

Pourtant, face au nombre très important de dépôts, la jurisprudence communautaire a très fortement limité cette pratique et a fixé un cadre strict.

2- L’encadrement posé par la jurisprudence de l’Union Européenne

Il y a encore une quinzaine d’années, il était facile d’obtenir une protection sur une couleur.

Cependant, la jurisprudence communautaire, comme sur beaucoup d’autres sujets en droit des marques, est venue réduire le champ de dépôt.

La jurisprudence encadre strictement le dépôt de nuance ou combinaison de nuances de couleurs en tant que marque.

Cette tendance se comprend en réalité facilement.

Si l’article L 711-1 prévoit que « les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs » peuvent constituer des marques.

La couleur déposée, comme tout signe déposé pour marque, doit être distinctive. Cela signifie que la couleur doit permettre aux clients/consommateurs de distinguer l’origine des produits/services.

Il est difficile de rendre une couleur réellement distinctive et donc remplir les conditions de dépôt d’une marque :

  • Une couleur est en général considérée comme décorative et non comme distinctive.
  • Le nombre de couleurs est relativement limité.

Une couleur déposée comme marque deviendrait inutilisable par toute autre entreprise concurrente, ce qui donnerait une protection potentiellement excessive au déposant. Cela nuirait à la libre concurrence entre les entreprises. Cela relève de l’intérêt général.

a) Les différences entre marques de couleur et marques figuratives

Le 27 novembre 2018, l’avocat général de la CJUE a énoncé les différences entre les marques de couleur et les marques figuratives.

  • Les marques de couleur sont :
  • une nuance de couleur ou une combinaison de couleurs déposée(s)
  • sans forme ni contours
  • La marque figurative est une forme figurative stylisée. Si celle-ci est déposée en couleur, la protection portera sur la forme stylisée en couleurs prise dans sa globalité.

b) Les critères d’appréciation du caractère distinctif

Dans la même affaire, l’avocat général rappelle les modalités d’appréciation de la distinctivité des marques de couleur depuis les arrêts Libertel et Heidelberger Bauchemie :

  • Sauf circonstances exceptionnelles, notamment lorsque les marchés sont très spécifiques, une marque de couleur n’a pas un caractère distinctif ab initio. Cela est dû au fait que les consommateurs n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se basant uniquement sur leur couleur ou sur celle de leur emballage.
  • Il existe un intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé.

Ainsi, selon la jurisprudence, la marque de couleur n’a pas de caractère distinctif ab initio.

–>Le niveau d’exigence de distinctivité est de ce fait très élevé et l’intérêt général doit être analysé.

c) Le dépôt d’une nuance ou d’une combinaison de nuances de couleurs

Ainsi, la jurisprudence explique qu’une couleur seule ne peut pas être déposée. Il est possible de déposer une nuance ou encore une combinaison de nuances.

Afin de gagner en précision pour protéger au mieux le déposant et les concurrents, la jurisprudence énonce que les nuances ou combinaison de nuances doivent être désignées par un code reconnu à l’international (arrêt Libertel, CJUE). Mentionner le code couleur internationalement reconnu en combinaison avec un échantillon de couleur est également suffisant. Le code Pantone peut tout à fait être utilisé.

d) Exigence d’une forte distinctivité ou originalité

Les offices européens (dont l’INPI) exigent que l’association entre la nuance ou la combinaison de nuances et les produits/services désignés soit véritablement inattendue et originale.

—>Vous pouvez d’ores et déjà oublier de déposer une nuance de vert pour un produit écologique !

e) L’exception de l’acquisition par l’usage de la distinctivité

Il est tout à fait possible d’acquérir le caractère distinctif requis par l’usage. Cela est évidemment plus inhabituel.

Cela se matérialise par une exploitation très importante de la nuance de couleur comme signe. Cela lui confère une notoriété importante qui permettra au consommateur d’attribuer automatiquement la nuance aux produits/services.

Un exemple très connu est celui de la nuance de couleur lilas pour les chocolats Milka. Milka a pu obtenir une marque de l’Union Européenne après avoir prouvé l’acquisition du caractère distinctif par l’usage.

3- L’étendue de la protection et les actions possibles

a) La couleur comme identité visuelle

Une couleur peut être utilisée comme identité visuelle, c’est le cas le plus courant. Par exemple, chez Eversafe nous utilisons une certaine nuance de bleu.

Si un concurrent se mettait à utiliser la même nuance de bleu que nous de manière à tromper le public/les consommateurs, nous pourrions agir en parasitisme ou concurrence déloyale.

b) La nuance ou la combinaison de nuances protégées à titre de marques

Si la nuance ou la combinaison de couleurs est protégée à titre de marques et qu’un concurrent utilise la même sans autorisation, le titulaire de la marque peut agir en contrefaçon.

Comme toute action en contrefaçon, le titulaire doit démontrer :

  • qu’il existe un risque de confusion pour le consommateur
  • que la couleur est bien distinctive.

La petite histoire du BLEU KLEIN :

Le bleu « IKB » — « International Klein Blue » — du peintre Yves Klein est connu dans le monde entier. La couleur n’a pas en elle-même était déposée en tant que marque.

En effet, c’est la formule d’un liant associé au pigment bleu outremer n° 1311 qui a été envoyée sous la forme d’enveloppe Soleau en mai 1960 par le peintre et son partenaire fabriquant de peinture.

Date de publication

02/02/2024

Écrit par

Julia Pirinoli

Avocate

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